Eilis et la trouille
Pour inaugurer ce blog, voilà un texte d'amorce:
(Eilis correspond au profil d'une femme moderne qui serait restée plusieurs années en congé parental pour pouvoir élever ses enfants et doit retourner au travail pour gagner de quoi continuer à les élever décemment)
Eilis venait de prendre plusieurs années de congés pour élever ses enfants.
Non, ce n'était pas une mère -célibataire, ni une famille mono-parentale, non, pas du tout, mais plusieurs enfants coup sur coup, et un boulot à pas d'heure, et à salaire peu "motivant"
faut préférer éduquer sa famille, ça coûte franchement moins cher.
Donc Eilis était restée au foyer, comme un bon petit grillon, cousant, reprisant, jardinant, cuisinant, éduquant, économisant
mais la réserve de petites "noisettes" s'étiolant, son mari s'éreintant, elle avait décidé de revenir au boulot.
Après tant d'années d'interruption, de vie "à la débrouille", d'activités privées, ne la mettant pas en contact avec le grand public, pas difficile d'imaginer son angoisse qui croissait au fil des jours:
comment faire pour que mes enfants soient pris en charge avant l'école, après l'école, les week-ends?
vais-je retrouver les gestes du métier? vais-je retrouver l'esprit d'équipe? vais-je être à l'aise dans mon boulot, avec mes chefs? vais-je comprendre ce qui me sera demandé de faire, ou être complètement larguée? comment va-t-on me considérer après une si longue absence? Pourrai-je avoir des horaires aménagés? aurai-je la possibilité de passer quelques jours avec mes enfants pendant les temps de vacances scolaires?
Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête et se mélangeaient.
Elle n'osait pas en parler à son mari qui avait continué à travailler, à assurer l'argent nécessaire à la vie du foyer, et qui avait peu de jours de congés pour se reposer, pour réfléchir. Elle faisait comme si tout allait bien, mais elle était tout de même nerveuse et de plus en plus.
Elle supportait de moins en moins le bruit, elle dormait encore moins que d'habitude, elle explosait pour un oui ou un non, on lui avait dit à plusieurs reprises "mais pourquoi es-tu aussi agressive?", mais elle pensait que c'était son entourage qui était agresseur.
Elle repoussait toujours l'idée de prendre contact avec son patron avant la reprise, elle avait vraiment peur que ça se passe très mal, et puis de craquer, d'être au bord des larmes si on lui faisait une remarque ou une critique. Elle avait peur qu'on lui donne les plus dures taches, les plus sales boulots, et qu'en plus, on la regarde de travers.
Les enfants devenaient de plus en plus grognons, capricieux, infernals ou infernaux, il fallait inventer des punitions de plus en plus terribles ou dissuasives. Les nuits devenaient délicates: l'ainé faisait à nouveau pipi au lit et hurlait en proie à des cauchemars de plus en plus fréquents et terrifiants, la petite dernière en bonne somnambule boulimique multipliait ses attaques au frigo, puis jetait à terre tous les livres et bibelots sur son passage, le cadet, lui, exerçait son art sur tous les murs encore vierges de l'appartement.
Eilis en arrivait à croire qu'il était mal venu de reprendre son travail, qu'il faudrait repousser, que ni les enfants, ni elle n'étaient prêts à cette reprise.
Elle souhaitait que "magiquement" l'échéance soit reportée. Ou alors que "magiquement" tous les problèmes soient aplanis par une bonne marraine fée ou sorcière!
Mais sa marraine était une brave dame, d'un certain âge, sujette à l'arthrose et souvent retenue à son domicile où elle gardait très souvent, dimanches ou week-end compris, ses petits-enfants nombreux et bruyants. Elle avait conseillé à Eilis d'entreprendre une formation d'aide maternelle pour pouvoir garder des enfants en même temps que les siens à la maison, aux heures post-scolaires, mais Eilis qui avait mis très longtemps pour avoir des enfants, qui avait vu nombre de personnes de la famille épuisées par des tâches éducatrices, n'avait aucun appétit pour ce genre d'emploi, elle déclarait qu'elle ne pourrait JAMAIS s'occuper des enfants des autres et qu'elle préférait payer des personnes pour récupérer et garder ses enfants, en espérant que toute sa paye n'y filerait pas!
Elle se rendait bien compte qu'elle aurait aussi du mal à tenir sa maison propre et ses travaux ménagers à jour une fois rentrée fatiguée (éreintée) du boulot, du mal à suivre les devoirs et les leçons de chacun, du mal à les écouter, du mal à jouer tant soit peu avec eux.
D'où qu'elle regarde cette "rentrée" prochaine, elle angoissait terriblement! mais elle ne voulait l'avouer à personne.
KM
(tout ce qui est écrit ici est rigoureusement fictif et la ressemblance avec des faits et personnages réels ne peut qu'être fortuite ou hasardeuse)
mardi 27 mars 2012 à 23h10 par fleurdatlas dans Questionnements humains
COMMENTAIRES:
par contre pour moi, à la différence d'Eilis, j'allais faire un tour sur mon lieu futur de travail, prendre contact, et je demandais, si on voulait bien me l'octroyer, quelques jours de "stage" dans les services, soit sous tutelle, soit en observatrice.
En quelques jours j'étais "au point" et tout-à-fait décontract et en confiance!
Et le staff autour aussi d'ailleurs!
Tout bénef!
Par contre, pour concilier boulot et métier de mère de famille et même de chef de famille, pas évident! et j'ai du demander des boulots à mi-temps, et même reprendre des années de congé pour faire face à mes devoirs de mère!
mais Eilis n'en est pas là, elle va reprendre son boulot, pas le quitter aussitôt, faut espérer!
j'espère qu'elle va recevoir un bon accueil, se détendre un peu, et que l'atmosphère familiale s'en ressentira très favorablement
après tout, avoir une maman qui travaille, qui gagne des sous, qui est "comme beaucoup d'autres mamans", c'est certainement valorisant quelque part pour cette petite communauté enfantine qui a du toujours se serrer la ceinture parce que "non, maman n'est pas au chômage, elle travaille à la maison, elle nous élève!"
mais tout le monde ne veut pas le croire, même si la vérité sort de la bouche des enfants!
"ah oui? ta mère? si elle voulait, elle pourrait en trouver du travail! pfff!"
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