Eilis travaille une semaine sur la base et les plages horaires qu'avaient prévue la team de son entreprise pour sa reprise, avant qu'elle ne soit consultée sur ses désidérata.
C'est qu'elle ne peut pas avoir de suite un entretien avec son boss, il est en congrès (ou congés? elle n'a pas bien saisi, et elle n'a pas osé redemander) au Mexique.

Elle trouve difficile de se recadrer dans un timing très serré, le matin, elle se réveille deux heures plus tôt que d'habitude pour tout préparer, lever les enfants, qui, on ne sait pourquoi lambinent, ne trouvent plus leurs sous vêtements, ni des chaussettes semblables pour accorder leurs deux pieds, les chaussures se planquent inévitablement sous les meubles ou dans les meubles les plus improbables. Nora que fais-tu? Je mets mon sous-pull! Et toi Loanie? Z'attasse mes rubans! Et toi Sacha? Je trouve pas mon pantalon de survet! Tu as pris ton bulletin scolaire Nora? Non, je sais plus où TU l'as mis hier soir! Comment Tu sais plus où Je l'ai mis? Mais je l'ai replacé dans ton sac à dos! Non, dans celui de Sacha, il vient de me le rendre! Bien! Alors Sacha, toi, tu as bien ton enveloppe pour les frais de goûter, qu'on ne me les réclame pas une fois de plus? Oui maman. Avec le mot signé de ton père? Oui maman. Tu as pris un bocal de confiture pour ta participation? Oui celle aux nèfles. Tu aurais pu prendre celle de melon! Y en avait plus! T'as mal cherché! faut que je fasse TOUT moi ici! Et toi Loanie, tu te dépêches de boire ton chocolat, on va encore être à la bourre! Oui maman, ze bois à toute vitesse! Pas si vite, tu vas tout renverser sur ta robe, fais attention! Oui maman série d'amour, ze fais très entention, zé rien mis sur la robe, maman! Oui même pas ta serviette, desfois que ça pourrait servir! Allez vite, zou tout le monde! Vous êtes passés aux toilettes? En route, on se dépêche! Attention au chat, refermez la porte pour qu'il ne se sauve pas! vous avez pris vos chapeaux, vos casquettes, vos sacs? On a tout? GO!

Porter ses gamins à l'école lui prend 10 à 15 minutes selon qu'elle passe par la petite rocade ou par le centre, elle ouvre la portière pile face au portillon de l'établissement où une hôtesse en faction est chargée de filtrer, d'accueillir, de dispatcher. Un bref signe de la main au groupe des trois, plus le temps de discuter avec les habituels Maylis ou Rosemonde ou Chan, elle fait ronfler le moteur et démarre en trombe (ou presque, la vitesse est limitée à 20 km dans la rue des écoles et on a posé des "gendarmes couchés", ces grosses bosses qui vous font cahoter les bagnoles lorsque vous dépassez la limite autorisée).
Dans le centre, elle passe devant la guérite du boulanger, depuis sa vitre, elle tend la monnaie, l'employé lui remet deux "700". Elle a exactement 35 minutes hors saison et 45 en saison pour atteindre son lieu de travail. Elle met sa voiture au parking réservé pour les employés, pénètre dans les bâtiments par la porte réservée au personnel, en parcourant le couloir, elle tord d'une main ses cheveux en chignon, attrape une pince pour les bloquer. Arrivée aux casiers, elle échange sa veste contre sa blouse immaculée. Elle retire la check list de ses activités de la journée, et la parcourt des yeux en se rendant dans le hall. Elle signe le cahier de présence sur l'ordinateur, jette un oeil exercé sur le planning général, puis se dirige à son poste.

Huit heures plus ou moins élastiques vu le secteur d'activité, où elle sera requise pour différentes tâches, dont celle de convoyeur, à certaines heures et selon les nécessités. Normalement, elle pourrait presque débaucher pour reprendre ses enfants, mais c'est un peu juste, et elle a demandé à son amie Sorène de prendre ses enfants pour les faire goûter assez tôt, ils joueront un peu chez elle dans le jardin, le temps qu'elle arrive. Sorène veut bien "aider" au pied levé, mais pas que ça devienne une habitude, et puis certains jours, elle emmène ses garçons l'un au foot, l'autre au rugby, et ses filles, l'une à la pala ou la danse, l'autre à la piscine. Non, pas le même jour tous les quatre, elle n'y arriverait pas! Eilis a prévu de la dédommager en "nature", des gâteaux et des confitures pour les goûters, des places gratuites au restau indien, des entrées au cinéma pour les après-midi enfantines, un échange de service pour les trajets pala et piscine, pourvu que les horaires ne soient pas trop élastiques et qu'ils puissent concorder.

Autrement elle pourra demander à recevoir une allocation ou une subvention de la CAF pour la dédommager de quelques heures de nounou (en semaine, pas en week-end, là où elle vit, personne ne fait de garde d'enfant sur les week-end, même pas à prix d'or, les fins de semaine, c'est "sacré", c'est pour la famille, un point c'est tout! et tant pis pour ceux qui travaillent dans le domaine de la santé, de la sécurité, du tourisme, de la grande distribution où l'on n'a pas de pause à ces moments là, sauf à tour de rôle ou par fait de RTT!)

Néanmoins, la souplesse que lui a fait miroiter son chef lui donne du coeur au ventre, dans une semaine, après avoir discuté avec son patron, elle saura à quoi s'en tenir, elle préfère que ce soit son mari qui accompagne les enfants le matin, parce que le soir il sort plus tard que la fin de la garderie. Elle voudrait simplement commencer un peu plus tôt pour pouvoir récupérer ses enfants dès la sortie de 16h 30, et ne plus être en dette vis-à-vis de Sorène ou Juliane ou Rosalène. Il lui faut 45 minutes pour revenir dans les meilleurs cas, ou 1h 30 en saison, ça c'est ce qu'elle redoute le plus, griller dans sa caisse en pleine cagna, dans les embouteillages et devoir récupérer ses gamins à la garderie, ou chez ses copines de toutes façons!
Ensuite tout le monde ira piquer une tête à 20 minutes de la maison dans un lac aux berges surpeuplées et bruyantes, aux eaux verdâtres, que certains s'escriment à croire poissonneuses! On goûtera et on se changera dans les voitures, pendant le trajet, pour ne pas perdre de temps, d'autant plus qu'on ira garer à perpète, là où c'est gratis, s'il y a de la place.
Puis on rentrera une heure plus tard pour commencer les devoirs, la cuisine, suivis de la toilette, du repas du soir, des bisous et du câlin, de l'histoire (courte, de plus en plus courte, traditionnelle) et du coucher avec "c'est l'heure du dodo, tout le monde ferme ses yeux, on dort! demain faudra se lever tôt!"
Revenir deux ou trois fois pour faire la "police" avec la "grosse voix", papa est rentré ou pas encore, "il viendra nous embrasser papa?"
oui, arrêtez de faire les clowns, je donne à manger au chat et je me couche!

Ah, et les mails auxquels répondre, et les papiers à trier et remplir, et les copains sur FB? et la liste des commissions pour donner à son mari le lendemain, et ses vêtements propres à lui repasser, et la lessive à mettre en route, et le planning des repas, et la vaisselle oubliée, a-t-on débarrassé ou papa trouvera-t-il les reliefs du souper sur l'unique table de la maison dans le living-salle-à-manger? oh, mais il y a un rassemblement scout le week-end prochain, et Nora sautera son judo encore une fois, et puis, ça y est j'ai oublié la réunion de parents du KT! ah non, ouf, c'est demain soir, oui mais qui gardera les enfants le temps que Xabi arrive? c'était pas prévu ça, ouais bof, elle aurait du prévoir tout de même! allez, téléphoner à Juliane, c'est la plus cool, elle a une grande maison, les enfants ont de la place pour s'ébattre, et puis Xabi les prendra vers 22h, oui mais prévoir leur pique-nique, pas des trucs qui risquent de couler et huiler le contenu des sacs, c'était déjà arrivé ce coup là!

Bon, coucher dans deux heures minimum! oui, elle s'est vite réadaptée à son travail, c'est  heureux, mais pour la maison et les enfants, la gestion est plus difficile et elle est rapidement fatiguée à ce train là.

Compte tenu des frais de transport, de garderie, du fait qu'il n'est plus possible d'amener sa cadette à l'orthophoniste, ou même chez le dentiste, le jeu en vaut-il bien la chandelle?



KM

 

 

(tout ce qui est écrit ici est rigoureusement fictif et la ressemblance avec des faits et personnages réels ne peut qu'être fortuite ou hasardeuse)

lundi 02 avril 2012 à 01h00 par fleurdatlas dans Questionnements humains

 


 

COMMENTAIRES:

 


Le suivi des enfants le matin et le joyeux bordel qui s'en suit sent le vécu.
Quand je m'occupais de Melissa (entre 8 et 11 ans) elle s'occupait bien de se préparer pour l'école, il n'y avait que rarement besoin de la coacher. Nath souvent s'occupait d'elle le matin et moi je prenais le relais le soir pour les devoirs, faire à manger, et lui lire une histoire.
Ca m'a manqué quand on s'est séparé Nath et moi.
Bonne journée
de klodd le 2012-04-02 à 09h55